Proposition 54K1986

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Projet de loi modifiant le statut juridique des détenus et la surveillance des prisons et portant des dispositions diverses en matière de justice.

General information

Submitted by
MR Swedish coalition
Submission date
July 15, 2016
Official page
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Status
Adopted
Requirement
Simple
Subjects
arbitration automation banking supervision civil procedure prisoner data processing expert's report ordered by a court legal expenses prison administration labour mobility parliamentary scrutiny police legal profession appeal legal person judicial proceedings indebtedness criminal record penal institution criminal procedure confidentiality detention before trial

Voting

Voted to adopt
CD&V Vooruit Open Vld N-VA LDD MR PP VB
Voted to reject
LE PS | SP PVDA | PTB
Abstained from voting
Groen Ecolo DéFI

Party dissidents

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Discussion

Dec. 21, 2016 | Plenary session (Chamber of representatives)

Full source


Rapporteur Özlem Özen

Je compte faire état de mon rapport dans son entièreté, monsieur le président.


President Siegfried Bracke

Merci, madame Özen.

Het woord is aan u mevrouw Özen.


Özlem Özen PS | SP

Monsieur le président, les détenus en valent quand même la peine. Non? Je sais que c'est la journée internationale de l'orgasme, mais il ne faut quand même pas…(Rires)

Mes collègues m'avaient demandé de le placer.


President Siegfried Bracke

Je vous en félicite, madame.


Özlem Özen PS | SP

Tout compte fait, vous êtes beaucoup plus attentifs quand je parle d'orgasme que quand je parle du statut des détenus. C'est tout de même triste!

Je ferai une intervention générale au nom de mon groupe. Je me référerai à mon rapport écrit pour le reste.

Trêve de plaisanterie.

Chers collègues, les pots-pourris se suivent, mais le constat reste identique. Votre politique, parfois sous couvert de bonnes intentions – vous en avez beaucoup –, continue malheureusement de porter atteinte aux droits des justiciables. J'avais eu l'occasion de le rappeler lors de la commission. Votre projet est le fruit d'une conception figée du droit, puisque chaque garantie procédurale y est perçue comme un obstacle à l'efficacité de la justice. Pour vous, la justice n'est efficace que lorsqu'elle aboutit à une décision, qu'importe le caractère équitable et transparent de la procédure qui y a mené.

La seule chose dont mon groupe se réjouira à propos du pot-pourri 4 IV, c'est ce qui ne s'y trouve plus. Voici un an, lors du débat sur la présentation de votre note de politique générale pour l'année 2016, j'avais déjà exprimé de sérieux doutes à l'égard de votre projet pilote pour le tribunal de commerce. Nul n'est prophète en son pays. Il aura fallu attendre, après quelques mois, les commentaires du Conseil d'État et de professeurs d'université pour que vous entendiez raison et retiriez ce chapitre de votre projet. Étant quelqu'un de foncièrement optimiste, je dirais: mieux vaut tard que jamais.

Face à cette bonne nouvelle, il y a malheureusement le reste. Je vous avais dit que je me concentrerais, dans cette discussion générale, sur quelques chapitres, à commencer par l'anonymat des policiers.

Le projet prévoit une anonymisation systématique de l'identité des agents des forces spéciales dans les dossiers judiciaires, et une anonymisation décidée par la police elle-même lorsque cela s'avère nécessaire dans le cadre d'enquêtes portant sur certaines infractions.

Le projet ne prévoit pas de levée de cet anonymat. Néanmoins, celui-ci peut se prolonger devant les juridictions dans deux cas: premièrement, lorsque les policiers sont appelés à témoigner en justice et éventuellement derrière un rideau, et deuxièmement, lorsque les éléments qu'ils recueillent sont utilisés à charge contre un accusé.

Or, le témoignage anonyme se heurte au procès équitable, comme l'a bien expliqué la Cour européenne des droits de l'homme en ces termes: "Si la défense ignore l'identité d'individus qu'elle essaye d'interroger, elle peut se voir privée de précisions lui permettant d'établir qu'il est partial, hostile ou indigne de foi".

Pour autant, dans notre droit pénal, le témoignage anonyme est déjà possible, grâce aux articles 75bis et 86bis du Code d'instruction criminelle, mais dans ces deux cas, l'anonymat est accordé par le juge d'instruction, qui tient compte des circonstances et des risques concrets, dans sa décision.

Le témoignage anonyme a fait l'objet d'une importante jurisprudence par la Cour européenne des droits de l'homme. En 1998, l'actuel président de la Cour de cassation, M. Jean de Codt, et en 2007, Mme Marie-Aude Beernaert, qui est professeur de droit pénal à l'UCL, ont chacun commenté ces arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme qui rappellent les grands principes devant entourer le témoignage anonyme.

Selon eux, il faut remplir une série d'exigences avant d'octroyer l'anonymat. Celles-ci doivent évidemment tenir compte des droits de la défense. Le témoignage anonyme doit être décidé par un juge, accordé seulement si aucune alternative n'est possible, apprécié in concreto, et donc non attribué de façon généralisée et automatique, et enfin, il ne peut être le facteur déterminant de l'issue d'un procès.

Ces principes, appliqués au projet de loi pot-pourri IV, signifieraient que si des éléments de preuve sont recueillis ou constatés par des policiers anonymes, un juge devrait systématiquement se prononcer sur la nécessité du maintien de l'anonymat au cas par cas. Or, c'est ce qu'on vous reproche, le projet de loi ne le prévoit pas. Bien que le juge d'instruction puisse prendre connaissance des identités, au contraire, le projet prévoit une peine d'emprisonnement et/ou d'amende en cas de divulgation d'identité.

L'exposé des motifs se justifie par une allusion à un arrêt de 2014 de la Cour européenne des droits de l'homme. Mais cet arrêt porte sur des témoins absents au procès. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme exige, même pour les témoins absents, une appréciation, in concreto, par un juge, de la nécessité d'une absence de comparution. Et ce qui vaut pour des témoins absents doit a fortiori valoir pour des témoins anonymes. Pour l'actuel président de la Cour de cassation, la Cour européenne des droits de l'homme considère qu'"en règle, il convient, lorsque les témoins anonymes sont des policiers, de se montrer plus rigoureux sur le plan du respect des droits de la défense, que lorsqu'il y va de simples particuliers. L'exigence de la contradiction est d'autant plus grande, en effet, que les membres des forces de l'ordre sont tenus à un devoir général d'obéissance envers le pouvoir exécutif de l'État et se trouvent, vis-à-vis du ministère public, dans une position hiérarchique en ce qui concerne leur mission de police judiciaire".

Nous ne sommes pas fondamentalement contre l'anonymat des policiers, mais nous ne pouvons pas accepter, au nom du procès équitable et des droits de la défense, que cet anonymat soit systématique et incontrôlé. D'ailleurs, si le projet est voté tel quel, de nombreux procès pénaux risquent de ne pas aboutir faute de preuves recevables. C'est pourquoi nous avions déposé un amendement en commission visant - face à des éléments de preuve recueillis ou constatés par des policiers de façon anonyme - à ce qu'un juge d'instruction puisse systématiquement se prononcer sur le maintien de cet anonymat au cas par cas.

Un autre volet du projet pose question: la réforme du Conseil central et des commissions de surveillance des prisons. Monsieur le ministre, je vous l'ai rappelé en commission et, à ce sujet, on reconnaîtra le manque d'honnêteté de ce gouvernement qui n'a jamais fait référence au protocole facultatif à la convention contre la torture.

Monsieur le ministre, vous n'ignorez pas que, en l'état, le pot-pourri IV ne permettra pas à la Belgique de ratifier ce protocole. Nous demeurons une exception au sein de l'Europe en maintenant la triste place des États signataires n'ayant pas ratifié le traité. Je rappelle que le Cambodge ou le Mozambique ont trouvé le moyen de mettre en place des organes de contrôle répondant aux exigences de ce protocole. Ce n'est pas notre cas.

Mais plus concrètement, si l'on ne peut qu'approuver l'indépendance de ces organes de contrôle, celle-ci devient de la poudre aux yeux dès lors qu'il s'agit d'apprécier l'impact des réformes proposées. Lorsque l'administration impose tout le poids de la puissance publique sur une personne, elle doit le faire dans le strict respect de l'État de droit. Que cela soit en prison ou ailleurs, les rapports de force entre deux intérêts opposés, quand ils s'exercent à l'abri des regards, entraînent forcément des abus et c'est la raison pour laquelle, aucun espace de privation de liberté ne doit échapper à une entière et complète transparence. L'État doit accepter de rendre des comptes et accepter d'être contrôlé même de très près. Ces principes ne sont pas dictés par la méfiance à l'égard de ceux qui exercent de lourdes responsabilités dans le milieu carcéral, mais c'est bien la nature conflictuelle de notre système carcéral qui l'exige. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi ne devrait pas être restreint aux seules prisons mais bien à tous les lieux de privation de liberté comme le prévoit l’OPCAT. Je pense ici aux centres fermés ou aux commissariats.

Tout aussi importante est la question de l'effectivité des moyens de contrôle. Il ne suffit pas de vouloir des prisons exemplaires. Il faut s'en donner les moyens. Or, comme la quasi-totalité des personnes entendues sur ce projet, nous dénonçons le cumul imposé aux commissions de surveillance. Elles se voient attribuer des fonctions de médiation et de contrôle en même temps que la fonction de traitement des plaintes.

Ce cumul va affaiblir les commissions de surveillance. En ce qui concerne la médiation, elles perdront toute crédibilité et impartialité à l'égard des détenus qui ne voudront plus recourir à ces commissions. Pour ce qui est du traitement des plaintes, elles seront tout d'abord submergées par des plaintes auxquelles elles ne pourront donner, faute de temps et de formation, le traitement juridictionnel approprié. Mais en plus, elles ne disposeront plus de l'indépendance nécessaire pour trancher un conflit.

Monsieur le ministre, comme vous avez l'habitude de le faire très subtilement, de nombreux petits reculs sont glissés de-ci, de-là dans le projet. Notamment, les fouilles à nu sont moins encadrées; les heures pour faire appel ou opposition sont réduites.

Monsieur le ministre, à la lecture de ces articles, je me demande vraiment à quel point vous êtes conscient de la réalité carcérale. Vous continuez à créer la réalité actuelle. Avez-vous seulement lu les rapports du Conseil central ou des commissions de surveillance ou même les décisions du Conseil d'État? Pensez-vous aujourd'hui que le problème des fouilles à nu réside dans la trop grande complexité administrative qu'elles requièrent?

Quant aux modalités d'appel ou d'opposition, je me demande combien de détenus ont dû réellement être relâchés parce que leurs droits n'auraient pas été respectés. Quel rapport vous permet-il d'affirmer que le système actuel pose problème dans la pratique? Pour quelle raison décidez-vous de changer ou de reculer, avec moins de droits pour les détenus, puisque cela poserait problème?

Monsieur le ministre, le gouvernement fait tout pour se désengager des prisons. Vous avez réduit la réflexion autour des prisons à une simple question de dangerosité. Supprimer une classification adaptée à la réinsertion et aux besoins des prisonniers replonge la prison et le milieu carcéral belge dans une conception d'un autre temps. On ignore toutes les études scientifiques sur une nécessaire classification qui serait beaucoup plus intelligente et adaptée aux détenus. Qu'en est-il de cette déresponsabilisation que vous entamez en supprimant les procédures qui sont établies par arrêté royal? Ce faisant, vous ouvrez la voie à l'arbitraire de l'administration; administration qui est déjà sous pression à cause des économies qu'on lui impose.

En ce qui concerne le plan de détention individuel, vous en simplifiez tellement les conditions qu'au lieu d'être un véritable outil de réinsertion moderne, cela deviendra une formalité administrative. Le fait qu'il ne doive pas être rédigé au sein de l'établissement où est placé le détenu en dit évidemment long sur votre conception de la prison.

Dans un tout autre registre, le projet crée une cour des marchés à 3 juges, ce qui ne manque pas de m'interpeller. Tout d'abord, je ne vous cache pas ma surprise d'apprendre que le président de la cour d'appel n'a pas été associé, ni même consulté concernant cette réforme. Ensuite, il est pour le moins étrange de créer une section qui ne connaîtrait qu'un seul pour cent des dossiers traités par la cour d'appel de Bruxelles, d'autant plus que cette section serait composée de deux fois trois magistrats et que le cadre n'est pas encore rempli.

En réalité, à travers cette nouvelle cour des marchés, le gouvernement confirme son choix d'une justice à deux vitesses: efficace et rapide pour les conflits entre les grandes entreprises, lente et sous-financée pour les autres. L'exclusion des consommateurs de cette nouvelle cour ne fait que renforcer cette impression. Pourquoi prévoir un recrutement qui déroge aux procédures normales? Nous nous demandons si cette exception n'est pas écrite sur mesure afin d'aller chercher les juges dans les cabinets d'avocats proches de ces grandes sociétés.

Autres questions, monsieur le ministre: si le cadre de cette cour des marchés est rempli, cela signifie-t-il qu'il y aura moins de magistrats pour les autres affaires? Pourquoi privilégier ces dossiers face aux affaires de terrorisme, de finance ou qui impliquent des mineurs, par exemple?

Je souhaiterais également m'arrêter quelques instants sur le choix du gouvernement de ne pas tenir compte des avis concernant les frais inutiles donnés par le Conseil d'État et les Ordres des avocats, puisqu'en cas de recouvrement d'une créance via la procédure judiciaire, le projet crée une présomption de faute si la créance est incontestée, dès lors qu'il existe une procédure extra-judiciaire moins coûteuse depuis le pot-pourri I. Du coup, la voie judiciaire risque d'être d'office considérée comme des frais inutiles, frais que le créancier devra payer.

Le Conseil d'État n'a pas mâché ses mots à propos de la disposition en projet. Il rappelle tout d'abord que la procédure extra-judiciaire n'est pas encore entrée en vigueur et surtout affirme que le projet n'est pas admissible au regard des articles 10 et 11 de la Constitution car "il est difficile de pouvoir déterminer à l'avance si la créance incontestée le sera effectivement". Autrement dit, au moment d'entamer sa procédure de recouvrement, le demandeur n'est pas certain qu'elle ne sera pas contestée ultérieurement.

Le gouvernement ne tient absolument pas compte de l'objection du Conseil d'État et maintient son article. Cela traduit une constante en justice, monsieur le ministre, depuis votre accession au pouvoir. Ce sont des économies aveugles à tous les étages et on tient très peu compte des avis qui ont été formulés. Et même si on peut comprendre le souci de réaliser des économies pour éviter des procédures inutiles, malheureusement, le gouvernement feint d'ignorer le but poursuivi par l'essentiel de cette procédure, à savoir éviter que les rapports de force affectent l'issue d'un conflit et mènent à des décisions qui sont arbitraires.

Enfin, je clôturerai par la dernière mesure de votre projet qui concerne la fusion des greffes et, puis, la suppression de lieux d'audience. On aurait pu accepter la fusion des greffes qui se trouvent au sein d'un même bâtiment. Malheureusement, en l'état actuel, votre projet permet une fusion des greffes beaucoup plus large jusqu'à la réduction à un seul greffe par arrondissement.

On vous avait pourtant formulé toutes nos remarques et ce, à maintes reprises, monsieur le ministre. Vous avez refusé d'adapter votre texte, ce qui justifie, plus encore, notre méfiance. Je vous le dis, si ce gouvernement est obsédé par des économies, réduit le nombre de greffes à un seul par arrondissement, il limite une fois de plus l'accès à la justice. Depuis le début de cette législature, le gouvernement, qui est toujours obsédé par ses économies, nous présente des projets, dont le pot-pourri IV fait partie, qui affectent durablement les droits des citoyens et porte atteinte au service public.

Le département de la Justice n'échappe pas à la réduction des services publics, au risque d'éloigner de plus en plus le citoyen de la justice. C'est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas ce projet. Je vous remercie.


Christian Brotcorne LE

Monsieur le ministre, j'ai entendu que, dans l'esprit de Mme Özen, l'orgasme ne pouvait se faire qu'à nu! Je ne sais pas si c'est vrai. Je laisse cela à votre sagacité.

Monsieur le ministre, comme d'habitude avec ces lois pots-pourris qui vous sont chères, on trouve des mesures tellement disparates que certaines sont intéressantes, tandis que d'autres ne le sont pas. Ensuite, il faut émettre un avis général: oui, non, abstention. C'est évidemment très compliqué de faire la part des choses. Votre méthode a de quoi déconcerter l'opposition. C'est peut-être simple pour la majorité, puisqu'elle vote tout un ensemble de mesures en une seule fois, de sorte que chacun peut y trouver son compte. Ce n'est pas forcément le cas pour les justiciables ou les praticiens du droit qui doivent ensuite mettre ces dispositions en musique.

Je me focaliserai sur un seul aspect de ce texte, qui justifiera au demeurant la raison pour laquelle nous ne le soutiendrons pas. Pourtant, au départ, j'étais très intéressé par le titre de ce pot-pourri IV: "Projet de loi modifiant le statut juridique des détenus et la surveillance des prisons". Je me suis dit: voici enfin un ministre courageux qui va mettre en application les différentes dispositions de la loi de principes du 12 janvier 2005. Nous pouvions l'espérer, d'autant plus que cela figurait dans votre Plan justice. Vous y indiquiez en effet votre souhait de voir cette législation entrer totalement en vigueur.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le parcours de détention primordial pour la réinsertion des détenus dans la société et la lutte contre la récidive est toujours en vigueur, aujourd'hui. Il y a aussi le droit de plainte. Si de bonnes solutions pouvaient être trouvées, ce serait effectivement intéressant. Je sais que vous travaillez sur le droit médical. Mais force est de constater que, loin d'aboutir au résultat escompté, le texte que vous nous présentez ne pourra toujours pas être appliqué totalement.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement en commission, que je redépose en séance plénière. Dans le cadre de cet amendement, j'invite l'ensemble des collègues et surtout ceux de la majorité à accepter que, pour le 1ᵉʳ janvier 2018, cette loi qui a fait la fierté de notre parlement, qui a fait l'objet de colloques, qui a été étudiée un peu partout et qui a été présentée comme une excellente initiative législative puisse, enfin, être appliquée.

Lorsque j'ai défendu cet amendement en commission, vous m'avez dit que le 1ᵉʳ janvier 2018, c'était peut-être un peu tôt car on ne sera probablement pas encore en mesure de tout faire car il faut faire appel à la ministre de la Santé à qui revient la responsabilité d'inclure le droit médical dans le système global de la sécurité sociale.

Pour ce qui nous concerne, on peut opérer un transfert du SPF Justice vers le SPF Santé publique, mais il faut que Mme De Block soit d'accord et trouve, en cette période de disette, les moyens budgétaires pour faire face à cette nouvelle charge. De plus, selon moi, on ne peut pas simplement se contenter de renvoyer la responsabilité vers d'autres.

Je constate également que le droit de plainte qui est prévu dans cette loi de 2005 ne sera pas encore organisé de façon effective.

Quels étaient les principes de base de la loi Dupont? Elle entendait élaborer un statut juridique complet du détenu, réellement perçu comme un sujet de droit, l'objectif étant que les effets préjudiciables de la détention doivent être limités dans toute la mesure du possible, ce qui constitue une condition essentielle à la réalisation d'autres objectifs de cette loi comme la réinsertion, la réparation et la réhabilitation. Dans ce contexte, elle prône l'élaboration d'un parcours carcéral dans la perspective d'une possible libération anticipée.

Un moyen stratégique pour mener à bien ces objectifs a conduit à la création d'un plan de détention individuel, c'est-à-dire l'individualisation de l'accompagnement des détenus comme gage d'une meilleure réinsertion et d'un moindre taux de récidive

Il fallait pour cela renforcer les priorités dans ce qui est le respect du détenu, obtenir la participation au parcours de détention d'une série d'acteurs de terrain et permettre au détenu d'avoir des conditions de vie qui soient les plus proches possibles de celles qu'il aurait à l'extérieur. Plus de dix ans plus tard, on en est nulle part.

C'est malheureux, monsieur le ministre, alors que je sais que cela fait partie des objectifs que vous poursuivez mais, soit, on ne vous en donne pas les moyens financiers, soit, il n'y a pas de volonté politique dans cette majorité pour qu'enfin, cette loi produise tous ses effets.

Le seul point positif que vous nous proposez par rapport à cette situation est de transférer au parlement la responsabilité du Conseil central de surveillance mais aussi des commissions de surveillance des prisons. Le secteur est très demandeur de cette mesure depuis quelques années.

Cela permettra de mettre un terme à la situation où celui qui devait juger de la vie en prison, entendre les détenus et leurs plaintes, agir comme interface avec les directions d'établissements pénitentiaires, dépendait complètement du SPF Justice. Cela n'avait pas beaucoup de sens et équivalait presque à être juge et partie.

Oui, très bien. On transfère au parlement. Mais, monsieur le président, je ne sais pas si vous avez été concerté par rapport à ce transfert d'un organe complémentaire qui va nécessiter des moyens budgétaires conséquents pour que cela ait une réelle efficacité. Le ministre prévoit, si vous n'êtes pas au courant, que 66 000 euros pourront être transférés du SPF Justice vers le parlement pour remplir cette nouvelle charge. Dans un colloque où des membres de son cabinet étaient présents, on a évalué la mesure entre 1,5 et 2 millions d'euros.

Monsieur le président, moi, j'ai interpellé le ministre en commission pour savoir si effectivement la Chambre avait été concertée, les services de comptabilité, anciennement la questure, je n'ai toujours pas bien intégré la nouvelle appellation. Sommes-nous prêts au niveau de ce parlement à accueillir ce service complémentaire qui a effectivement sa place au sein de notre assemblée plutôt qu'au sein du SPF Justice?

Mais si évidemment, le parlement à qui on demande aussi de faire des efforts sur le plan de son budget et de la diminution de celui-ci, est amené à effectuer de nouvelles missions sans en avoir les moyens, autant dire que la réforme n'aura pas d'effet! On sait que pour fonctionner, le Conseil central, si on ne parle que de lui et sans parler des commissions de surveillance, aura besoin d’un secrétariat, de personnel à sa disposition, de juristes sans doute. Où va-t-on aller les chercher? Comment allons-nous effectivement financer ces procédures?

À en croire votre attitude, monsieur le président, j'ai le sentiment que vous n'êtes pas très au courant, que les services de la Chambre ne le sont pas trop et que vous n'avez peut-être pas les moyens pour remplir cette nouvelle mission.

Une fois, c'est madame la ministre de la Santé publique qui doit trouver les solutions de manière à ce que le droit médical des prévenus intègre la sécu au sens large. Une fois, c'est le parlement qui doit trouver les solutions, notamment budgétaires et en moyens humains pour accueillir le Conseil central de surveillance, ses missions et celles des commissions particulières de chacune des prisons du royaume. On éclate les responsabilités mais sans donner ni avoir les moyens financiers, ce qui me laisse penser que nous aurons du mal au niveau de notre parlement à remplir cette mission qui est pourtant attendue dans notre chef et qui réjouissait tous les acteurs du terrain.

Vraiment des interrogations quant à la réalité et l'efficacité de ce transfert.

Par ailleurs, monsieur le ministre, j'ai essayé de discuter et d'ouvrir certaines portes afin que le traitement des plaintes, auquel les détenus ont droit et qui est consacré par la loi de principes de 2005, soit effectivement appliqué. Confier cette mission de traitement des plaintes aux commissions de surveillance des prisons est inconcevable. Cela ne tient pas la route, quand on sait que le même organe est, à la fois, chargé d'une mission de médiation et de celle de traitement de plainte, comment imaginer qu'un membre d'une commission de surveillance intervient en tant que médiateur entre un détenu et la direction ou des gardiens puisse encore avoir une crédibilité pour traiter les plaintes tout en conservant son caractère de neutralité? La confiance risque fort bien d'être rompue. La mission première des commissions de surveillance est précisément cette fonction de médiation et non pas celle de traitement des plaintes, me semble-t-il.

D'autant que, d'un point de vue pratique, nous savons tous que ces commissions sont composées de bénévoles et que nous avons de plus en plus de difficultés pour les constituer au sein des établissements pénitentiaires. Les membres de ces commissions n'ont pas le temps d'exercer une fonction juridictionnelle alors que celles-ci justifieraient un temps plein si l'on veut en faire un véritable organe de traitement des plaintes. Il aurait mieux valu recourir à un organe judiciaire externe. Mais, par les temps qui courent, on n'en a pas les moyens budgétaires. D'autres pistes ont été explorées par le biais des médiateurs fédéraux dans un premier temps, au travers d'une proposition que ceux-ci avaient faite. Ils ont mis en avant le fait qu'ils ne peuvent traiter les plaintes. Mais, prenant conscience, à la lecture et au suivi des travaux de notre commission du fait que les commissions et le Conseil central de surveillance seraient rattachés à la Chambre, faisant office de réceptacle sur le plan administratif à tout le moins, avec les moyens humains et budgétaires qui sont les leurs, pour aider le Conseil central à assumer ses responsabilités, cela aussi, alors que nous avons tenté de le transcrire dans le texte sous forme d'amendement, nous a été refusé.

Je pense donc, monsieur le ministre, que loin d'aller dans le sens de la volonté politique que vous traciez dans votre note de politique générale ou dans vos vues sur ce que devrait être la justice et la concrétisation de l'ensemble des dispositions de la loi Dupont, on s'en écarte encore même si, théoriquement, par le fait d'adosser au Parlement le Conseil central et les commissions de surveillance, on fait un pas dans la bonne direction. Ce pas ne sera pas suffisant et risque même d'être un pas en arrière si les moyens budgétaires et humains ne sont pas associés à cette nouvelle mission.

Par ailleurs, monsieur le ministre, dans le texte que vous nous proposez, loin d'améliorer la situation des détenus, vous compliquez l'opposition que ceux-ci peuvent faire ou l'appel que ceux–ci peuvent interjeter à l'égard de décisions qui les concernent, en disant que celles-ci ne pourront désormais plus avoir lieu que durant les heures d'ouverture des greffes des prisons et non plus à tout moment comme c'était le cas aujourd'hui. Je pense que c'est mal connaître les difficultés que vivent les détenus au quotidien. Ils doivent obtenir de sortir de leur cellule, et obtenir l'autorisation de rejoindre le greffe, peut-être à des moments où celui-ci ne sera même plus ouvert.

Vous poursuivez avec la classification des prisons et les fouilles des détenus. On a parlé de ça il y a quelques années. Tout le monde avait déjà considéré que les fouilles à nu étaient un scandale au nom du respect des droits de l'homme et de la vie privée. Loin d'améliorer cette situation, vous la rendez encore plus complexe dans la mesure où nous savons tous, en tant que membres de la commission de la Justice, qu'à l'occasion de ces fouilles à nu, des abus sont commis. Des pratiques illégales sont constatées et dénoncées. Ce n'est pas élargir les fouilles à nu qu'il aurait fallu faire, mais accentuer la protection du détenu contre ces moyens invasifs particulièrement choquants, voire traumatisants.

Monsieur le ministre, je n'ai pas voulu parler des autres aspects de votre projet de loi, pour m'en tenir à cet élément qui, à lui seul, justifie que nous ne vous suivrons pas pour ce texte. Certains éléments sont intéressants mais l'essentiel, ce qui a donné le nom à votre pot-pourri IV, c'est-à-dire la situation juridique des détenus, ne se trouve manifestement pas améliorée par ce texte: que du contraire.


Olivier Maingain MR

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous voilà, une fois de plus, amenés à voter une nouvelle loi dont le ministre se plaît à l'intituler "pot-pourri", "pot-pourri IV". Alors, un pot-pourri, en musique, c'est plutôt une sélection d'airs agréables à entendre, une sélection de morceaux choisis parce que faisant partie d'un répertoire apprécié. C'est vrai qu'il y a toujours, dans vos projets de loi, des éléments que nous pouvons approuver et qui apportent incontestablement une avancée juridique attendue. Je pense par exemple, dans ce projet, à la création d'un casier judiciaire central des personnes morales ou encore à l'imputation des jours de détention préventive inopérante.

Mais, cette satisfaction est très vite limitée – et je consacrerai l'essentiel de mon exposé à ce chapitre – par rapport à l'attente que beaucoup avaient dans votre projet de loi en ce qui concerne son volet relatif à la mise en œuvre pleine et entière de la loi de principes du 12 janvier 2005, la loi Dupont, attente qui n'est que très partiellement rencontrée par votre projet de loi.

C'est vrai – d'autres l'ont rappelé avant moi – que l'application pleine et entière de la loi Dupont demeure aujourd'hui insatisfaite. Pourtant, cette loi – qui reste une des lois de référence, en ce compris pour ceux qui, dans d'autres pays, cherchent à mieux déterminer le statut juridique des détenus – ne recevra pas, par votre projet de loi, sa pleine et entière application. Que du contraire! Il y a même quelques régressions dans votre projet de loi par rapport à la loi Dupont. Faut-il rappeler que la loi Dupont visait en effet à apporter une réelle sécurité juridique aux détenus, sur la base d'une approche centrée sur la qualité de sujet de droit qu'est le détenu et avec la volonté de limiter les effets préjudiciables de la détention?

Ainsi, le détenu ne pourrait plus être soumis à une limitation de ses droits sociaux, économiques ou culturels autre que celle qui découle de sa condamnation pénale et de la mesure privative de liberté. C'était incontestablement une loi copernicienne parce qu'elle instituait aussi un droit de plainte au bénéfice des détenus pour les décisions prises à leur encontre. Elle mettait également sur pied le Conseil central de surveillance ainsi que les commissions de surveillance compétentes pour chaque prison, qui étaient jusqu'ici sous la coupole du ministre de la Justice.

C'est vrai, et nous vous en savons gré, le présent projet de loi prévoit de rattacher ces organes de surveillance au Parlement, à l'instar du Comité P, du Comité R ou de la Commission de la protection de la vie privée. Une avancée, certes majeure, mais est-elle suffisante au regard du Protocole à la Convention des Nations unies contre la torture et les traitements inhumains et dégradants de 2005, plus connu sous l'abréviation OPCAT. Pourquoi? Tout d'abord, dans votre projet, les commissions n'auront mandat que pour les prisons et non pour tous les lieux de privation de liberté. C'est Me Laurent, la présidente du Conseil central de surveillance, qui a attiré l'attention sur ce point, particulièrement lors de l'examen du projet en commission.

Certes, pour justifier cette lacune, vous vous êtes réfugié derrière l'argument de la complexité institutionnelle. Je ne suis pas certain qu'il n'y aurait pas compétence pour le législateur fédéral à établir un mécanisme national de prévention compétent pour tous les lieux de privation de liberté, quand bien même certains d'entre eux sont institués ou gérés par les niveaux de pouvoir que sont les entités fédérées. Il me semble qu'il y a des précédents dans d'autres États, mais avec d'autres règles de répartition des compétences. Vous auriez pu, à tout le moins, présenter simultanément au dépôt de votre projet de loi, un projet d'assentiment à un accord entre les différents niveaux de pouvoir afin de régler cette question.

De surcroît, la mission de contrôle et de médiation n'est pas toujours distincte de celle du traitement des plaintes. Ainsi, le traitement des plaintes des détenus par rapport aux décisions de la direction de la prison n'est pas confié à un autre organe que les commissions de surveillance où travaillent des personnes déjà surchargées. Pourtant, il serait plus aisé de confier le traitement de la médiation à un organe distinct de la commission de surveillance.

Cet organe distinct présenterait alors des garanties d'indépendance, d'impartialité, mais aussi d'accessibilité, disposerait d'un personnel rémunéré pour ces missions, qui doivent être exercées à temps plein, et disposerait d'une connaissance suffisante du milieu carcéral et des procédures pénitentiaires internes.

Cette confusion des missions médiation-traitement des plaintes par un seul organe constitue un aveu de faiblesse, un manque d'ambition, me semble-t-il, et surtout un manque de volonté de se conformer au droit international. La Cour européenne des droits de l'homme insiste, en effet, dans sa jurisprudence, sur l'impossibilité d'être à la fois médiateur et juge, et sur le constat selon lequel tous les membres des commissions de surveillance n'ont pas forcément ni l'indépendance, ni l'impartialité, ni la formation, ni même le temps nécessaire pour assurer correctement une mission de traitement des plaintes émanant des détenus avec qui ils discutent fréquemment dans le cadre de leurs missions de médiation.

À l'inverse, on voit également mal comment une commission qui donne, par exemple, une suite favorable à une plainte, pourra par la suite rétablir le lien de confiance nécessaire à sa fonction de médiation.

Comme je l'ai dit, vous auriez pu instituer une nouvelle commission indépendante au sein de chaque prison. Évidemment, je reconnais que cela a un coût budgétaire. Mais c'eût été un respect du droit international. C'eût été conforme à la ratio legis de la loi Dupont, qui voulait promouvoir une commission qui se trouve dans la prison, qui soit en prise avec la réalité de la prison et dont la décision pourra rapidement se substituer à celle du directeur de la prison.

Vous n'en avez pas les moyens budgétaires. C'est plus que regrettable: c'est un manquement quant à la répartition correcte des missions pour préserver le statut des détenus.

Enfin, la composition des commissions, telle que vous l'envisagez, ou que vous la confirmez, ne permet pas une représentation d'office de criminologues au sein de ces commissions, alors qu'ils sont justement formés à la gestion des personnes détenues et à leurs rapports avec l'administration pénitentiaire. Nous déposons un amendement à cette fin.

Quant au classement d'office des prisons en fonction de groupes spécifiques de détenus, que le projet de loi entend supprimer, c'est assez regrettable parce que cette distinction présentait une plus-value. Votre suppression me semble malheureuse quant à la correcte préparation des détenus à leur réinsertion.

Nous déposons donc aussi un amendement pour supprimer l'article qui met fin à la distinction de classification d'établissements pénitentiaires en fonction des groupes spécifiques des détenus. Celle-ci doit être sauvegardée, car elle respecte à nouveau la ratio legis de la loi de 2005, à savoir classer les prisons en fonction des mesures techniques de contrôle, mais aussi, en vue de permettre un accompagnement humain et de qualité des détenus. Ce qui implique une approche différente et adaptée en fonction de leurs spécificités, durée de la peine, âge, santé, modalités spéciales et ce dans chaque prison.

Il est d'ailleurs étonnant que vous la supprimiez, alors que vous prévoyez, notament dans le Masterplan III Prisons, la rénovation du site de Merksplas qui est précisément une prison pouvant héberger 400 détenus ayant des profils adaptés – longue peine, détenus âgés, souffrant de troubles psychiques ou spécifiques, etc. Cette prison sera donc l'exception qui confirme la règle avec ce que cela implique pour les détenus qui se retrouveraient ainsi loin de leurs proches. Je le regrette également.

Quant à l'examen des vêtements et des fouilles au corps. L'exposé des motifs du projet a beau accorder une importance à ce que "les membres du personnel de surveillance qui procèdent à l'examen des vêtements et à la fouille au corps aient suivi une formation à cet effet, afin de procéder à ces formes de contrôle de manière correcte, sécurisée et humaine", il n'en demeure pas moins que cette exigence ne transparaît pas du tout dans le dispositif, dans l'article repris au projet. Je dépose également un amendement visant à corriger cet oubli et à mentionner dans la loi l'exigence d'une formation spécifique pour le personnel amené à procéder à des fouilles corporelles.

Conformément aux règles du Conseil de l'Europe, les personnes procédant aux fouilles doivent être formées et ce, en vue de détecter et de prévenir les tentatives d'évasion ou de dissimulation d'objets entrés en fraude, tout en respectant la dignité des personnes fouillées. L'exigence de motivation de la décision de fouille corporelle, prise par le directeur de la prison, est également mentionnée puisque cette fouille n'est autorisée qu'en raison d'indices individualisés précis qui doivent figurer dans cette décision.

De surcroît, toujours selon les règles recommandées par le Conseil de l'Europe, le déroulement de la fouille corporelle doit être précisé de sorte que le détenu ne pourra jamais se retrouver entièrement nu, la fouille visant d'abord le haut et ensuite le bas du corps.

Ces règles pénitentiaires devront être transposées en ce qui concerne l'examen des cavités corporelles en précisant qu'il ne peut être effectué par le personnel pénitentiaire. C'est ce que recommande le Conseil de l'Europe. En principe, la présence d'un médecin est requise.

Enfin, je voudrais insister sur la réforme de l'appel et de l'opposition. Ils ne seront possibles, comme d'autres orateurs l'ont rappelé, que pendant les heures d'ouverture du greffe des prisons ou des sections de défense sociale – et ce, en comparaison avec les modalités d'appel devant le greffe des cours et tribunaux. Je regrette que cette réforme restreigne de manière disproportionnée le droit des détenus dans le temps, alors que leur privation de liberté de circulation les empêche d'entreprendre des démarches pour faire appel ou opposition aussi facilement que le ferait une personne qui n'est pas incarcérée. Vous savez combien il n'est pas aisé pour un détenu de sortir de sa cellule afin d'entreprendre une démarche auprès du greffe, de préparer ses arguments, d'avoir parfois la maîtrise de la compréhension des documents qui lui sont soumis parce qu'il n'a pas la maîtrise d'une des langues nationales. Il est vrai que l'autorisation accordée aux détenus pour se rendre au greffe prend beaucoup de temps à arriver en raison du manque récurrent de personnel et des grèves qui en découlent parfois – autant d'obstacles à l'exercice du droit d'appel ou d'opposition par un détenu.

Je relève, certes, que ce projet de loi contient des avancées procédurales significatives. Je pense à l'anonymat sous certaines conditions des représentants des forces de l'ordre, à la création d’une cour des marchés au sein de la cour d'appel, mais je ne reprendrai pas la longue énumération des différentes matières concernées par ce pot-pourri. Il reste que, s'agissant du statut des détenus, vous apportez des restrictions à l'ambition de la loi Dupont qui me semblent disproportionnées. C'est pourquoi nous ne pourrons pas soutenir votre projet de loi en l'état.

Je vous remercie.


Ministre Koen Geens

Monsieur le président, chers collègues, je tiens tout d'abord à vous mettre à l'aise pour ce qui concerne le financement du Conseil de surveillance et le fonctionnement des mesures prévues dans ce projet de loi. En effet, nous avons prévu une entrée en vigueur reportée en attendant une convention avec le parlement sur le financement de ce fonctionnement autonome. Autrement dit, monsieur le président, nous allons prendre notre temps.

Toutefois, pour ce qui concerne le respect de la Convention des droits de l'homme, il est évident que le fonctionnement indépendant par rapport au ministère et au ministre de la Justice est absolument nécessaire.

Par ailleurs, pour ce qui concerne la confusion des compétences, j'ai fréquemment souligné qu'il n'était nullement dans mes intentions de faire exercer la fonction de surveillance et la fonction de traitement des plaintes par les mêmes personnes, mais qu'il y aurait une distinction des fonctions au sein des conseils de surveillance. J'ai ajouté qu'il serait utile que l'on acquiert une compétence en matière de surveillance avant de siéger sur les plaintes.

Il est vrai que nous devons ratifier d'urgence le principe de la Convention OPCAT. C’est d'ailleurs notre intention. Je l'ai souligné en commission.

Je sais que la simultanéité n'est pas réalisée, monsieur Maingain. Cela ne veut pas dire qu'on ne va pas se dépêcher pour que ce soit le cas.

La loi de base de M. Dupont m'est très chère. Un arrêté royal a été pris. Je crois avoir donné, en commission, les différentes dates d'entrée en vigueur des différentes parties.

Je n'ai donc pas osé m'engager pour le 1ᵉʳ janvier 2018, parce que la prudence est de mise. En tout état de cause, nous faisons un progrès énorme et je souligne seulement que, par exemple, par rapport à la libération pour des raisons médicales, nous avons déjà fait entrer en vigueur la loi de base au début de la législature.

Pour ce qui concerne l'appel auprès du greffe du tribunal ou au greffe de la prison, il est normal que l'on insiste pour qu'il n'y ait pas de fautes. Je ne crois pas que de la sorte, il y aura des dépôts d'appel tardifs. On ne peut pas exiger des gardiens de prison d'avoir les connaissances nécessaires pour ne pas commettre, de nuit, d'erreurs concernant les dépôts.

Pour la fouille, il est vrai que nous voulons suivre la Convention des droits de l'homme et nous le ferons, par le biais d'une directive qui imposera, au moins pour les femmes, que la fouille se déroule en deux temps, d'une façon digne, c'est-à-dire sans que la personne soit entièrement nue.

Pour ce qui concerne la torture et la commission contre la torture, il s'agit d'une de mes grandes préoccupations, madame Özen. Nous allons essayer de négocier dans les meilleurs délais un service minimum, devenu très nécessaire. Je m'en tiendrai à cela.

Je crois avoir répondu à la plupart des questions, monsieur le président. Avec ce pot-pourri IV, nous réalisons un grand progrès. Tout progrès est fait de petits pas, mais ceux-ci valaient la peine d'être pris.