Proposition 54K3456

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Proposition de loi modifiant le Code de droit économique en ce qui concerne le recours à des licences obligatoires pour les médicaments.

General information

Authors
PVDA | PTB Raoul Hedebouw, Marco Van Hees
Submission date
Jan. 11, 2019
Official page
Visit
Status
Rejected
Requirement
Simple
Subjects
medicinal product health policy health care intellectual property health costs patents licence social security public health health insurance

Voting

Voted to adopt
CD&V LE Open Vld N-VA MR PP VB
Voted to reject
Groen Vooruit Ecolo PS | SP DéFI PVDA | PTB

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Discussion

March 21, 2019 | Plenary session (Chamber of representatives)

Full source


Rapporteur Sarah Schlitz

Monsieur le président, je me réfère au rapport écrit.


Marco Van Hees PVDA | PTB

Monsieur le président, chers collègues, voici une proposition de loi sur un sujet particulièrement important. Cette proposition est soutenue par une pétition qui, en quelques jours seulement, a récolté 7 000 signatures. Elle s'inscrit dans un combat initié par Nelson Mandela à la fin des années '90. Il s'est battu contre les multinationales pharmaceutiques qui empêchaient la production de médicaments bon marché contre le sida en Afrique du Sud. Une proposition pour que la survie de certains malades en Belgique ne se joue pas sur le chantage de multinationales du médicament, n'ayant pour seul objectif que de continuer à faire des milliards de profits. On peut citer Novartis qui fait 8,6 milliards d'euros de bénéfice, et Pfizer 12,3 milliards. C'est une proposition pour qu'un traitement qu'on peut obtenir pour 300 euros en Inde ne coûte pas 25 000 euros en Belgique.

C'est la toute première proposition de loi du PTB sur laquelle il y a eu un vote en commission, en toute fin de législature. Un vote négatif. Avant d'être député, je pensais que le débat sur une telle proposition de loi était un exercice dense, avec des arguments, des contre-arguments, des références à des experts, à des études, à des expériences dans d'autres pays. Un débat à l'issue duquel celui qui avait les meilleurs arguments pouvait emporter l'adhésion des autres.

Mais pour qu'il y ait des arguments et contre-arguments dans un débat, il faut déjà qu'il y ait un débat. Or, quel a été ce débat? Je vous lis le rapport. Après mon introduction sur la proposition, la discussion: "M. Damien Thiéry (MR) fait remarquer que la proposition de loi à l'étude vise à modifier le Code de droit économique. Il se demande s'il ne faudrait pas soit demander un avis à la commission de l'Économie, soit renvoyer le texte à ladite commission."

Monsieur Thiéry, j'ai chronométré: neuf secondes et demie. Vous avez même ajouté avec un certain dédain: "C'est tout ce que m'inspire cette proposition." En tout cas, vous avez eu le mérite d'intervenir, contrairement aux autres. Nous avons donc eu droit à neuf secondes et demie de débat pour un sujet qui me semble particulièrement important.

L'autre surprise fut constituée par le vote. On a voté sur l'article 1ᵉʳ: huit contre et deux pour. Cet article énonce: "La présente loi règle une matière visée à l'article 74 de la Constitution." C'est un peu comme s'il disait, "aujourd'hui, c'est le 21 mars" et que huit députés sur dix votaient contre cette affirmation, qui n'est rien d'autre que l'expression du formalisme législatif. Le plus incroyable est qu'après avoir voté contre cet article, il n'y a plus eu de débat et même plus de vote sur l'ensemble de la proposition!

Voilà comment se déroulent les débats ou plutôt à quoi ressemble l'absence de débat dans cette enceinte que d'aucuns qualifient de "temple de la démocratie", mais qui me semble surtout relever d'une démocratie de basse intensité.

Cette proposition aborde un sujet grave, puisqu'elle s'intéresse à des personnes qui souffrent de maladies rares. La presse a révélé quelques cas concrets de patients confrontés à la rapacité de multinationales pharmaceutiques. Je pense à l'histoire de Jean-François, qui est atteint d'une maladie génétique rare, le XCT, qui touche le cerveau. On l'a privé de traitement, parce que l'entreprise pharmaceutique qui en avait obtenu le monopole avait augmenté le prix, le faisant passer de 38 euros à 12 500 euros, rendant ainsi le traitement impayable.

Une autre histoire est celle de Valentina, une petite fille atteinte d'une maladie rare qui affecte les os, le cœur et les poumons. Pour obtenir que l'État rembourse son médicament, la firme pharmaceutique a fait du chantage. Elle arrêtait d'offrir le médicament gratuitement à deux patients, dont Valentina, si la sécurité sociale ne remboursait pas le médicament. Il se fait que ces entreprises pharmaceutiques peuvent fixer elles-mêmes le prix d'un médicament tant que celui-ci est sous brevet.

La ministre de la Santé Maggie De Block affirme qu'en Belgique, elle ne peut rien faire, ou pas grand-chose, pour remédier à ce genre de situation. Pourtant, c'est elle-même qui contribue à la forte augmentation du prix des médicaments, puisqu'elle applique la procédure que l'on appelle "article 81". Celle-ci permet d'établir des conventions directement entre le cabinet de la ministre et l'industrie pharmaceutique. Le prix est fixé en secret et concerne des médicaments innovants. L'an dernier, le cabinet de la ministre aurait ainsi octroyé un milliard d'euros pour des médicaments de ce type, dont le sofosbuvir contre l'hépatite C.

Reprenons l'exemple de ce médicament. En Belgique, le coût d'un seul traitement s'élève aujourd'hui à 25 000 euros, alors qu'en Inde, où on a appliqué le principe des licences contraignantes, ce même médicament coûte 300 euros le traitement. Lorsque l'on constate une malversation dans le chef de la multinationale pharmaceutique, on impose la production de ce médicament par la firme qui pourra le produire au prix le plus bas. Il s'agit bien de 25 000 euros en Belgique, contre 300 euros en Inde.

Par cette proposition, nous voulions instaurer ce principe dans notre pays. Ce droit d'octroyer des licences contraignantes est né à la fin des années 90, lorsque Nelson Mandela, fort du soutien de nombreux mouvements populaires et d'ONG à travers le monde, a engagé la lutte contre les multinationales pharmaceutiques, qui empêchaient justement des entreprises indiennes d'exporter des médicaments bon marché contre le sida vers l'Afrique du Sud.

Cette proposition prévoyait que la ministre de la Santé pourrait, de sa propre initiative, imposer des licences obligatoires pour un médicament. À cet égard, nous mentionnions explicitement l'hypothèse de situations où sont relevés des indices sérieux indiquant que les prix de vente pratiqués par ces multinationales du médicament sont disproportionnés par rapport aux coûts de production.

Cette proposition aurait pu régler ces problèmes de prix exorbitants des médicaments pour des maladies rares. Elle aurait réglé un problème fondamental que rencontrent ces familles et, à la fois, celui du surcoût souvent imposé sous forme de chantage par les multinationales du médicament à notre sécurité sociale.

Mais visiblement, une majorité des députés de droite de la commission de la Santé n'en ont pas voulu. Il reste encore une possibilité de voter contre le rejet de cette proposition de loi, même si, malheureusement, je ne me fais pas beaucoup d'illusions sur la volonté des députés de droite de cette assemblée de s'occuper réellement de la santé des patients et de celle de la sécurité sociale.