Proposition 54K3154

Logo (Chamber of representatives)

Projet de loi relatif à la protection des secrets d'affaires.

General information

Submitted by
MR Swedish coalition
Submission date
June 12, 2018
Official page
Visit
Status
Adopted
Requirement
Simple
Subjects
EC Directive industrial secret data protection commercial law intellectual property

Voting

Voted to adopt
CD&V Open Vld N-VA MR
Voted to reject
Groen Ecolo PVDA | PTB
Abstained from voting
Vooruit LE PS | SP DéFI PP VB

Party dissidents

Contact form

Do you have a question or request regarding this proposition? Select the most appropriate option for your request and I will get back to you shortly.








Bot check: Enter the name of any Belgian province in one of the three Belgian languages:

Discussion

July 17, 2018 | Plenary session (Chamber of representatives)

Full source


Rapporteur Karine Lalieux

Monsieur le président, je me réfère au rapport écrit.


Fabienne Winckel PS | SP

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, la directive sur les secrets d'affaires est un texte sensible, qui a fait l'objet de débats particulièrement vifs au Parlement européen. En effet, il y a une tension entre deux objectifs auxquels, je pense, nous sommes tous attachés: d'une part, la protection du savoir-faire de nos entreprises, avec l'enjeu de mettre fin à l'espionnage économique entre acteurs concurrentiels; d'autre part, la liberté de la presse, la légitimité de révéler des actes répréhensibles, la possibilité d'informer le citoyen.

Parvenir à un équilibre n'est pas chose aisée. Ce n'est donc pas un hasard si dans d'autres pays – je pense notamment à la France – la transposition de cette directive a suscité un débat virulent. Je citerai à ce sujet l'extrait d'une carte blanche qui a été signée en France par des dizaines d'ONG, des syndicats, des associations de journalistes, de simples citoyens: "Monsieur le président de la République, comme toujours, le diable est dans les détails. La définition au large spectre du secret des affaires permettra aux entreprises de soustraire l’essentiel de leurs informations du débat citoyen. Désormais, la loi donnera aux entreprises le pouvoir de poursuivre tous ceux qui oseront révéler des informations sensibles dans l’intérêt général. Pis, avant même toute publication, elle réinstaurera une forme de censure, a priori du juge, abolie en 1881 par la loi sur la liberté de la presse. Entre les mains de vos députés, cette loi constitue un outil de censure inédit."

Évidemment, le style de cette carte blanche est très incisif. Mais cela montre bien la contradiction entre les deux objectifs en présence: celui de la protection du savoir-faire de nos entreprises, d'une part, et la liberté d'information, de l'autre. Et cela montre bien, par conséquent, le travail nécessaire pour concilier ces enjeux.

Or, je regrette de dire qu'en Belgique, ce travail pour parvenir à un texte équilibré est complètement passé à la trappe. En amont de la rédaction du projet de loi, le gouvernement n'a en effet pas jugé utile de consulter les associations de journalistes. Le gouvernement a consulté le Conseil national du Travail. C'est une bonne chose. Vous avez consulté le Conseil de la propriété intellectuelle. C'est très bien. Mais vous n'avez pas considéré qu'une consultation des journalistes s'imposait, malgré la vivacité du débat en Europe et en France. C'est regrettable, même si, fort heureusement, nous avons pu corriger cette lacune en commission. En effet, M. le ministre Peeters a donné son accord pour auditionner en commission les associations de journalistes.

Une chose est de consentir à inviter et à auditionner des personnes, une autre encore est d'écouter et d'entendre ce qu'elles ont à dire. Or, le message adressé par ces associations de journalistes était très clair. Oui, selon eux, il existe un risque que la législation sur les secrets d'affaires soit utilisée dans un but d'intimidation des journalistes et des lanceurs d'alerte. Oui, il existe un risque que les journalistes soient poursuivis devant les tribunaux au nom du secret d'affaires, ce qui assurément créera un risque d'autocensure dans la profession journalistique. Par conséquent, oui, il faut amender ce projet de loi parce qu'il porte insuffisamment de balises.

D'ailleurs, M. Mehmet Koksal, chargé de projet de la Fédération européenne des journalistes, n'a pas lancé cette considération à la légère. Il l'a fondée, au contraire, sur deux exemples concrets que nous avons encore tous en mémoire: premièrement, le cas de l'hebdomadaire économique Challenge condamné par le tribunal de commerce de Paris pour avoir publié un article sur les difficultés financières de l'entreprise Conforama et le deuxième cas, plus célèbre, celui de l'affaire LuxLeaks, où le journaliste à l'origine des informations a fait l'objet de poursuites judiciaires pendant quatorze mois. Certes, il a été acquitté au terme d'une procédure, mais ô combien coûteuse! Il est clair, a dit l'intervenant, qu'après quatorze mois de poursuites coûteuses, lui et son patron vont désormais y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une enquête journalistique.

Chers collègues, il faut mieux équilibrer ce projet de loi. Pour essayer de le faire, nous avons déposé cinq amendements qui visent, en conformité avec le texte de la directive, à limiter les recours abusifs en justice et donc, à mieux protéger la liberté d'expression et la liberté de la presse. Les deux premiers amendements visent à préciser la définition du secret d'affaires. En effet, la définition qui en est donnée dans le projet est trop large et source d'insécurité juridique. Il doit être parfaitement clair, en amont de toute procédure en justice, que n'importe quelle information ne peut pas être qualifiée de secret d'affaires, mais seulement celle qui confère un avantage concurrentiel à son détenteur et seulement celle pour laquelle il existe à la fois un intérêt légitime à la garder confidentielle et une attente légitime de protection de cette confidentialité. Si on ne précise pas cela dans la loi, alors on élargit indûment le champ des secrets d'affaires et, à l'avenir, n'importe quelle information y compris, par exemple, une information relative à des pratiques fiscales illicites pourra être qualifiée de secret d'affaires, ce qui est totalement contraire à l'esprit de la directive.

Le troisième amendement que nous avons proposé et que nous redéposons ici, en plénière, propose de préciser que les dispositions relatives au secret d'affaires ne portent pas atteinte à la loi du 7 avril 2005 relative à la protection des sources journalistiques.

En commission, le ministre Peeters a dit que c'était prévu dans la loi. Mais ce n'est pas vrai! Le projet de loi ne cite pas une seule fois la loi du 7 avril 2005. Or, nous avons pu constater en commission à quel point cette question de la protection des sources journalistiques est sensible.

Le quatrième amendement plaide pour une meilleure protection des lanceurs d'alerte. Le considérant 20 de la directive donne de quoi renforcer leur protection. S'ils ont agi de bonne foi, dans le cadre de la protection du droit d'alerte, le juge doit rejeter toute demande ayant pour objet l'application des mesures en réparation liées aux secrets d'affaires.

Le cinquième amendement dit qu'il faut prévoir des sanctions appropriées en cas de procédure dilatoire ou abusive. Le projet de loi fait le choix de ne pas transposer l'article 7, § 2 de la directive. Pour les associations de journalistes, c'est un mauvais choix. Ils ont été très clairs à ce sujet. Nous proposons donc de punir d'une sanction de niveau 6 ceux qui se comportent de manière abusive ou agissent de mauvaise foi en présentant des demandes manifestement non fondées dans le but, par exemple, de retarder, d'intimider ou de harceler le défendeur.

Ces cinq amendements ont été développés en commission et ont été tout simplement rejetés par la majorité. Convaincus de leur pertinence, nous les redéposons aujourd'hui en plénière.

Chers collègues, la transposition de cette directive est importante pour la protection du savoir-faire de nos entreprises, mais elle aura aussi un impact non négligeable sur l'exercice de la liberté de la presse. Je regrette que ce message n'ait pas été entendu par la majorité. D'ailleurs, quelques heures après le vote en commission, l'association des journalistes professionnels a tweeté qu'elle avait en vain tenté de convaincre plusieurs partis de la majorité de soutenir les amendements protégeant les journalistes et les lanceurs d'alerte.

Cette parodie de débat parlementaire, car il s'agit bien de cela, est malvenue. Par conséquent, mon groupe s'abstiendra sur ce projet de loi.


Isabelle Galant MR

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la directive que nous transposons aujourd'hui va permettre de garantir un même niveau de protection des savoir-faire et informations commerciales non divulgués dans l'ensemble de l'Union européenne. Ce projet concerne directement nos PME, pour lesquelles les secrets d'affaires ont une grande valeur économique, essentielle pour le développement de l'innovation.

Jusqu'à maintenant, il n'existait pas, en droit belge, de cadre légal ayant pour but de protéger les secrets d'affaires. Ils ne sont pas non plus considérés comme des droits de propriété intellectuelle.

Ces lacunes sont corrigées par ce texte. Celui-ci a reçu quelques remarques concernant la protection des journalistes et des garde-fous existent dans le domaine de la justice. Pour terminer, la protection des journalistes, la liberté d'opinion et d'expression sont des fondements pour notre groupe. La presse doit pouvoir travailler de manière efficace si nous souhaitons pérenniser notre système pluraliste.


Gilles Vanden Burre Ecolo

Monsieur le président, il s'agit d'un texte important car il concerne le droit au secret des affaires, à la protection contre l'important espionnage industriel, mais aussi la liberté d'informer pour les journalistes et pour notre démocratie. C'est un des fondements de notre démocratie. Une tension est toujours présente, notamment dans ce texte, dans les débats lors des réunions de commission, dans les auditions obtenues. En effet, un équilibre est à trouver entre cette liberté d'informer, fondamentale, et le droit au secret des affaires.

En particulier, nous, écologistes, avons été particulièrement attentifs à la liberté d'informer des journalistes d'investigation, nécessaires à notre démocratie, comme nous avons pu l'observer dans l'actualité récente, et des lanceurs d'alerte, qui ont une importance considérable dans la dénonciation de systèmes injustes, erronés, qui font un bien important car ils font progresser des causes politiques essentielles. Nous accordons donc une attention toute particulière à cette profession. D'ailleurs, nous nous félicitons d'avoir organisé des auditions des représentants des médias et des journalistes, réclamées lors des débats, que la majorité du gouvernement n'avait pas songé à entendre.

Le point de vue des Verts au Parlement européen concernant l'adoption de la directive, puisque nous parlons d'une transposition de celle-ci, était déjà très clair: ils se sont prononcés contre celle-ci car ils estiment, et nous estimons, que ces matières relatives à la santé publique, à l'environnement et à la lutte contre la fraude fiscale ne peuvent évidemment pas être occultées par un système de protection des secrets d'affaires. En vue de protéger notre démocratie mais aussi notre économie, notre santé publique et notre environnement, cette libre collecte d'informations doit rester garantie.

Au regard de ces balises, nous pouvons analyser le texte actuellement débattu. Clairement, le texte en l'état est pour nous insuffisant car vous n'avez pas tenu compte de l'ensemble des recommandations durant les auditions.

Selon nous, le texte va actuellement trop loin dans la protection des secrets d'affaires et nous constatons un réel danger - comme cela a été soulevé durant les auditions - pour la protection du travail des journalistes, des journalistes d'investigation et des lanceurs d'alerte, notamment dans la définition dans le texte, trop large pour nous.

Selon nous, dans l'état actuel du texte, les balises ne sont pas suffisantes pour garantir une réelle protection des journalistes et des lanceurs d'alerte.


Michel de Lamotte LE

Monsieur le président, dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui, nous pourrions nous contenter de dire qu'il s'agit d'une transposition très fidèle de la directive 2016/943, mais j'attire votre attention sur un fait d'importance. En effet, dans un contexte où la concurrence internationale est de plus en plus exacerbée et où les cas d'espionnage industriel ne sont pas rares, il apparaît normal que l'Union européenne, en tant que puissance économique, se dote d'un arsenal législatif sur le sujet. Il en va de la protection des affaires et de la lutte contre l'espionnage industriel.

On pourrait considérer qu'il s'agit d'un texte équilibré car il met en exergue de nombreuses exceptions et spécificités par rapport à l'exercice de la protection des secrets d'affaires. Cependant, deux points difficiles ont été évoqués en commission. Je vous citerai la réaction des associations de journalistes et autres acteurs de médias qui se sont, à juste titre me semble-t-il, émus de ce texte car elles craignent qu'il s'agisse d'un nouveau moyen de pression à leur égard de la part des grosses entreprises.

Rappelons que, dans le monde dans lequel l'économie est reine, ces grosses entreprises financières bénéficient d'une capacité financière plus importante et pourraient profiter d'abus de procédure ou dissuader la publication de certaines informations.

J'ai eu aussi la curiosité, comme mes collègues, de jeter un œil sur le texte français de la transposition. Il est évidemment très similaire au texte belge, mais nous n'y avons pas trouvé l'équivalent de l'article 16 de notre texte, qui met bien en avant toutes les obligations du juge lorsqu'il traite d'une action concernant les secrets d'affaires. Mais il y a effectivement un souci.

Je voudrais revenir sur le fait que l'Association des journalistes professionnels s'interrogeait quant à elle sur le fait que des journalistes soient immunisés contre certaines dispositions de la loi. Je voudrais revenir aussi sur le fait que ces auditions des médias et journalistes entraînaient beaucoup de propositions. Monsieur le ministre, j'ai l'impression que vous les avez entendues mais pas écoutées et que, dans le texte, il manque un certain nombre de garde-fous.

Je voudrais dès lors évoquer cette interpellation que j'avais eue à l'égard du gouvernement en 2016, où nous demandions déjà de ne pas soutenir la directive en l'état et de défendre au prochain Conseil de l'Union européenne une interprétation des articles 2 et 4.

Monsieur le ministre, vous vous y étiez engagé mais rien n'a changé dans le texte, qu'on voulait effectivement modifier pour ne définir comme illégal que l'obtention, l'usage ou la publication d'un secret d'affaires par une personne agissant avec un intérêt économique. Cela n'a pas été fait et, au-delà de ce point, il reste ce que nous ont dit les journalistes ou associations de journalistes, mais aussi les craintes par rapport à des lanceurs d'alerte.

Ces craintes ont déjà été évoquées en commission et permettez-moi de vous dire que si nous avons déjà eu l'occasion de réunir une commission dans ce Parlement sur la problématique, notamment, du dieselgate, c'est bien parce que des lanceurs d'alerte avaient évoqué des choses. Quand on regarde même les corrections qui sont faites sur un certain nombre de moteurs par rapport aux moteurs diesel, actuellement, nous n'avons pas encore réglé le problème dans sa totalité.

Je pense que les articles du texte ici présent sont beaucoup trop larges et que les garde-fous sont insuffisants. On va sans doute, me semble-t-il, créer un amalgame à cet égard. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire si vous serez éventuellement partie prenante ou disposé à accorder un suivi attentif à l'application de la loi, aux procédures lancées, et de voir avec le Parlement et les associations si une évaluation ne nécessiterait pas des garde-fous supplémentaires pour permettre un bon équilibre entre la protection des affaires, le droit à l'information et les actions que les lanceurs d'alerte peuvent mettre en route?

Je pense que le texte n'est pas équilibré et qu'il pourrait être revu à la lumière de l'expérience. Je vous remercie.


Olivier Maingain MR

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, notre rôle de législateur national nous appelle à transposer les directives européennes dans notre droit interne.

Faut-il le rappeler, une directive européenne diffère d'un règlement dans la mesure où elle nous fixe des objectifs à atteindre nous laissant ainsi la liberté d'apprécier quelles sont les mesures les moins attentatoires à nos libertés pour y arriver. La directive 2016/943 sur la protection des secrets d'affaires que le présent projet de loi ambitionne de transposer en fait partie.

Que l'on ne s'y méprenne pas, la protection des secrets d'affaires est nécessaire pour sauvegarder leur valeur commerciale et la concurrence loyale entre entreprises. Afin d'être pleinement efficace, cette protection doit faire l'objet de règles harmonisées à tout le moins entre les États membres de l'Union européenne. Au sein de notre droit interne, il n'existe pas non plus de cadre légal, général et homogène pour protéger les secrets d'affaires puisque les règles diffèrent selon le domaine concerné, se trouvant ainsi tantôt dans la loi de 1978 relative aux contrats de travail, tantôt dans le Code de droit économique, tantôt dans le Code civil et le Code pénal.

Le projet de loi a pour ambition, juste et légitime, de clarifier notre cadre légal en précisant quand l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est licite ou illicite. La transposition de cette directive était donc la bienvenue, mais avec cette précision fondamentale qu'elle prévoit une harmonisation minimale de cette matière, laissant aux États membres le soin de prévoir une plus grande protection contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicite de secrets d'affaires et pour autant que certaines mesures de sauvegarde en vue de la protection des intérêts des tiers soient mises en œuvre.

C'est précisément dans le but de fixer ces mesures essentielles de sauvegarde que mes collègues ont sollicité l'audition de représentants d'associations professionnelles de journalistes, à la suite de quoi des amendements ont été déposés. Car s'il est important de garantir une protection des entreprises contre le vol de leurs secrets industriels ou leur divulgation à des concurrents ou au grand public, cette protection peut parfois entrer en contradiction avec l'intérêt général qui requiert qu'une entreprise publie ses comptes et rende compte de ses grandes décisions notamment à ses salariés. De même les journalistes et les lanceurs d'alerte estiment que le droit d'informer doit pouvoir justifier la révélation de certaines informations, à savoir des faits illégaux commis par une entreprise, mais aussi des faits qui, tout en étant parfois qualifiés de légaux, sont néanmoins contraires à l'éthique. On sait ce qu'il en a été de scandales tels que LuxLeaks et Panama Papers.

Les amendements déposés tendent ainsi à un meilleur équilibre entre la protection des secrets d'affaires et le respect de notre liberté fondamentale et, plus singulièrement, du droit d'informer. Ils poursuivent plusieurs buts. Préciser, d'abord, la notion de divulgation du secret d'affaires en indiquant que l'information divulguée doit procurer un avantage concurrentiel commercial à son détenteur, de sorte que l'information révélée dans l'intérêt général ne peut être qualifiée de secret d'affaires illicitement divulgué, donc à sanctionner comme tel.

C'est la position défendue par certains députés français dans le cadre du texte législatif voté en juin dernier en France et, aujourd'hui, examiné par le Conseil constitutionnel. Cette position défendue par les députés français n'a malheureusement pas été retenue par l'Assemblée nationale française. C'est une occasion manquée puisque, comme le soulignait le magistrat français, M. Éric Alt, vice-président d'Anticor, l'association contre la corruption et pour l'éthique en politique, le texte voté en France place le journaliste en position de défense pour démontrer au juge que la divulgation des faits a un intérêt général.

Un deuxième but dans la recherche de l'équilibre entre la protection des secrets d'affaires et le respect de nos libertés fondamentales, c'est renforcer la protection de la liberté d'expression et la protection du secret des sources des journalistes. L'article 6 du projet de loi souligne que les dispositions relatives aux secrets d'affaires ne portent pas atteinte à l'exercice des droits fondamentaux consacrés par le droit international ou supranational et la Constitution, notamment le droit à la liberté d'expression et à l'information, y compris le respect de la liberté du pluralisme des médias.

Si cette précision est utile, elle aurait eu néanmoins un effet plus certain si l'ensemble du droit national faisant partie de ce socle égal à respecter, en particulier la loi du 7 avril 2005 relative à la protection des sources journalistiques consacrant le droit des journalistes de taire leur source d'information, avait été également visé par cette disposition.

Un troisième but, toujours dans la recherche de l'équilibre entre protection des droits fondamentaux et protection des secrets d'affaires, vise à garantir une meilleure protection des lanceurs d'alerte et ce, en totale conformité avec la directive, en ajoutant parmi les cas de rejet de demande de réparation pour obtention ou utilisation illicite des secrets d'affaires les cas où le défendeur a agi de bonne foi dans le cadre de l'exercice du droit d'alerte.

Alors que la transparence doit être la règle et le secret l'exception, la logique du texte est exactement inverse et contraindra donc les lanceurs d'alerte à fournir la preuve de leur bonne foi pour être protégés.

Un quatrième but pour un équilibre adéquat consiste à insérer des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive à l'encontre d'un journaliste et, éventuellement, de ses personnes sources et ce, afin d'éviter d'éventuelles manœuvres visant à faire taire la presse.

Malgré le caractère indispensable de ces amendements, aucun n'a été accepté par la majorité. Ce rejet laisse à penser que le cadre proposé par l'Europe empêche une protection en bonne et due forme des journalistes d'investigation et des lanceurs d'alerte, alors qu'il ne devrait en être rien. L'Europe fixe au contraire un cadre mais les États ont pour responsabilité, comme lors de chaque transposition de directive, de compléter voire de préciser ce cadre par des mesures permettant de préserver au mieux nos libertés fondamentales parmi lesquelles la liberté d'expression qui n'existe que s'il y a une liberté d'enquête, d'investigation, notamment pour les journalistes, et de protection de leurs sources.

Pour cette raison, mon groupe s'abstiendra lors du vote de ce projet de loi. Je vous remercie.


Marco Van Hees PVDA | PTB

Monsieur le président, en commission, le ministre Peeters nous avait fait part d'un enthousiasme modéré à l'égard de ce projet de loi visant à transposer la directive européenne sur la protection des secrets d'affaires en droit belge. Un enthousiasme modéré car, pour lui, il s'agissait d'une simple formalité, d'une simple transposition d'une série de dispositions pour éviter l'espionnage industriel.

Les vifs débats ayant eu lieu lorsque la directive a été adoptée au niveau européen en 2016 laissaient déjà entendre qu'il s'agissait bien plus que d'une simple formalité. En réalité, avec ce texte censé simplement protéger les entreprises contre le vol de leurs secrets d'affaires par des concurrents, on en profite pour ouvrir la possibilité de poursuivre aussi des non-concurrents. Il s'agit en effet de dispositions dangereuses pour les journalistes et pour les lanceurs d'alerte.

Depuis des années maintenant, de plus en plus de scandales dévoilent les pratiques douteuses des multinationales. Logiquement la priorité serait de créer un cadre légal pour encourager et protéger les lanceurs d'alerte. Mais ici, c'est exactement le contraire qui est fait! Est-ce vraiment étonnant au regard des multinationales telles Nestlé, Michelin, Alstom (et toute l'industrie chimique) qui ont poussé à l'adoption de cette directive européenne, comme l'a dévoilé Martin Pigeon du Corporate Europe Observatory (CEO)? L'enjeu principal de ces multinationales plutôt que l'espionnage industriel est de disposer d'outils juridiques permettant d'empêcher la publication d'informations confidentielles et compromettantes sur leurs pratiques douteuses comme, par exemple, le scandale des Panama Papers et autres.

Antonio Gambini, chargé de recherches sur la justice fiscale au CNCD-11.11.11, a mis le doigt sur le problème fondamental de cette directive disant qu'en pratique, ce texte empêchera "d'exercer un contrôle démocratique sur des pans entiers de l'activité économique".

Le ministre Peeters a tenté de nous rassurer en commission en disant que les journalistes et les lanceurs d'alerte n'avaient rien à craindre. Pourtant, l'Association des journalistes professionnels de Belgique ne partage pas cet avis. Ils ont demandé que des modifications soient apportées au texte, ce que le ministre et la majorité ont refusé.

Le problème fondamental réside dans le fait que cette législation ne prévoit qu'une protection relative et controversée des lanceurs d'alerte et des médias. Les garde-fous introduits sous la forme d'exceptions à la protection des secrets d'affaires sont largement insuffisants.

Je me limite ici à deux points. D'abord, on fait porter la charge de la preuve sur les lanceurs d'alerte. À eux de prouver le bien-fondé de leur action et de prouver qu'ils ont agi dans le but de protéger l'intérêt public. Ensuite, la rédaction de resquilles fiscales, de ruling pour les multinationales, comme l'a fait le cabinet PwC, est une pratique tout aussi questionnable que légale et n'est donc pas couverte par les exceptions à la protection du secret d'affaires.

Il faut aussi souligner que ces nouvelles dispositions s'inscrivent dans un contexte belge dans lequel il n'existe aucune protection globale pour les lanceurs d'alerte comme l'Association des journalistes professionnels l'a également rappelé lors des auditions. Pourtant à ce sujet les engagements et les déclarations politiques ne manquent pas. Le rapport de la commission Dieselgate en parle. Ce Parlement a voté une résolution en la matière. Le rapport de la commission Panama Papers en parle même si ce n'était pas très avant-gardiste comme disposition ou, en tout cas, comme recommandation. Toujours est-il que ces belles paroles restent des paroles en l'air. Dans la pratique, rien n'a été fait.

La législation que nous sommes appelés à voter aujourd'hui ne va clairement pas améliorer les choses. L'Association des journalistes professionnels nous a cité plusieurs cas récents dans différents pays européens indiquant que les entreprises n'hésitent pas à utiliser ce type de législation pour empêcher le travail des journalistes d'investigation ou des lanceurs d'alerte. Ils ont notamment cité des poursuites abusives envers les journalistes et leurs sources, comme dans le cas des LuxLeaks, mais aussi de la censure des articles liés aux difficultés des entreprises ou encore le risque d'autocensure dans la profession.

Je voudrais souligner le risque que ce projet de loi présente en termes de transparence de la justice. Dans un procès où sera invoqué un secret d'affaires, toutes les parties seront tenues au secret pendant le procès et même après celui-ci avec des sanctions pénales à la clé vis-à-vis de ceux qui ne respecteront pas ce secret. Le juge pourra aussi prendre des mesures particulières comme restreindre l'accès aux documents, aux auditions et même aux décisions judiciaires.

En conclusion, cette législation met en danger le droit d'informer. Avec ce projet de loi, la protection du secret d'affaires va primer sur l'intérêt public général. Cette extension du culte du secret est une nouvelle atteinte à nos droits démocratiques dans un contexte où des syndicalistes sont condamnés, où le droit de grève est cassé à la SNCB ou dans les prisons, où des journalistes de la RTBF sont mis au cachot parce qu'ils osent filmer un centre qui va enfermer des enfants.

Le PTB-GO ne peut pas accepter ce projet de loi. La liberté d'informer est un pilier de la démocratie. Il est temps de poursuivre les grands fraudeurs et criminels délinquants financiers plutôt que de punir les citoyens qui les dénoncent.


President Siegfried Bracke

Er zijn geen andere sprekers meer, dan geef ik het woord aan de regering.


Ministre Kris Peeters

Chers collègues, nous avons discuté en commission de tous les arguments qui sont à nouveau soulevés ici, en plénière. Concernant la presse entre autres, je veux répéter la réponse que j'ai donnée en commission. Je tiens tout d'abord à souligner que la liberté d'expression et d'information, qui englobe la liberté de la presse et le pluralisme des médias, constitue une valeur importante dans une société libre et moderne. Je suis d'avis que le projet de loi contient suffisamment de garanties pour ne pas mettre en péril l'investigation, la collecte d'informations et les reportages effectués par les journalistes et les lanceurs d'alerte.

Ik heb hiervoor een aantal elementen aangedragen in de commissie. Ten eerste, niet alles waarover men wil berichten valt onder de definitie van beroepsgeheim. De definitie spreekt duidelijk over informatie die geheim is, die hierdoor handelswaarde bezit en die onderworpen is aan maatregelen om deze informatie geheim te houden.

J'ai aussi cité l'article 7 du projet de loi. Cet article dispose que l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est considéré comme licite pour autant que le droit national ou européen l'exige ou le permette.

Ik heb daarbij onderstreept dat wij onder meer kunnen denken aan regelgeving inzake de vrijheid van meningsuiting, de persvrijheid en de wet op het bronnengeheim.

Voor het geval het verkrijgen, het gebruiken of het openbaar maken van bedrijfsgeheimen door een journalist of een klokkenluider toch als onrechtmatig zou worden beschouwd, zijn voor deze specifieke situatie bovendien twee uitzonderingen vastgelegd in het nieuwe artikel 11.332/5 van het Wetboek van economisch recht, artikel 9 van het wetsontwerp. De vordering dient in die gevallen te worden afgewezen. In dit artikel wordt letterlijk verwezen naar de vrijheid en het pluralisme van de media of het onthullen van wangedrag.

Ten slotte, indien het verkrijgen, gebruiken of openbaar maken van een beroepsgeheim door een journalist of een klokkenluider als onrechtmatig wordt beschouwd en de vastgelegde uitzonderingen op de ene of de andere manier geen toepassing zouden kunnen vinden, dient de rechter nog steeds rekening te houden met de nieuwe artikelen 11.336/3 van het Wetboek van economisch recht en 1369quater van het Gerechtelijk Wetboek. Volgens die bepalingen dient de rechter, wanneer hij een uitspraak doet, rekening te houden met een aantal elementen, waaronder de rechtmatige belangen van de partijen en de mogelijke effecten van de maatregelen die hij kan opleggen, de rechtmatige belangen van derden en de bescherming van de grondrechten. Die bepalingen geven de rechter de mogelijkheid zijn uitspraak te matigen, indien de gevolgen voor de journalist of de klokkenluider buitensporig zouden zijn.

Ik ga ervan uit dat die bepalingen op een effectieve wijze de journalisten en klokkenluiders beschermen en de waarborgen daarvoor inhouden.

Omdat naar de heel interessante hoorzitting is verwezen, wil ik ook de heer Fernand de Visscher citeren. Ik citeer uit het verslag: "Als de concepten die achter definities schuilgaan, duidelijk worden gerespecteerd, voorziet de heer de Visscher geen problemen met de in de richtlijn geformuleerde definitie van bedrijfsgeheim. Hierdoor zal een vrij ruim deel van pertinente informatie voor onderzoeksjournalisten beschikbaar blijven wegens het niet ressorteren onder de definitie van beroepsgeheim.". Ik citeer nog even verder: "De spreker is dan ook van oordeel dat de nieuwe wetgeving betreffende de bescherming van de bedrijfsgeheimen de onderzoeksjournalistiek beschermt. Eenieder die te goeder trouw handelt, zal vrij zijn van vervolging.".

Dus ook tijdens de hoorzitting zijn eminente juristen aan het woord gekomen. Zij geven voldoende zekerheid dat de bezorgdheden die ik met mijn collega's deel en die hier zijn geformuleerd, niet nodig zijn.

Je suis d'accord avec M. de Lamotte, Nous allons évaluer la législation. En pratique, si nous rencontrons des problèmes et que nous constatons que cela ne va pas dans la bonne direction, nous pourrons évidemment rédiger une loi. Cependant, je suis convaincu que la législation est bonne et qu'il n'y a pas de danger, contrairement à ce que certains pensent. Nous devons donner une chance à la loi et nous donner la possibilité de l'appliquer. Si nous constatons des problèmes après un an, nous pourrons rédiger un autre texte si nécessaire.