Proposition 55K3129

Logo (Chamber of representatives)

Proposition de loi relative à la neutralité objective des agents de la fonction publique fédérale et interdisant le port de signes convictionnels visibles dans l'exercice de leurs fonctions.

General information

Authors
DéFI François De Smet, Sophie Rohonyi
Submission date
Jan. 31, 2023
Official page
Visit
Status
Rejected
Requirement
Simple
Subjects
neutrality civil service duties of civil servants secularity secular State

⚠️ Voting data error ⚠️

This proposition is missing vote information, which is caused by a bug in the heuristic algorithms. As soon as I've got time to fix it, the votes will be added to Demobel's database.

Contact form

Do you have a question or request regarding this proposition? Select the most appropriate option for your request and I will get back to you shortly.








Bot check: Enter the name of any Belgian province in one of the three Belgian languages:

Discussion

Nov. 9, 2023 | Plenary session (Chamber of representatives)

Full source


François De Smet DéFI

Chers collègues, voilà un sujet compliqué dans une époque compliquée. Le fait qu'il soit si rare de l'aborder, ici, en ces murs et en séance plénière montre quelque chose. Vu la tension identitaire de l'actualité, je vais essayer de l'aborder de la manière la plus consensuelle et constructive possible. Avant de faire de la politique, j'ai passé ma vie professionnelle dans des milieux très différents. Le monde académique, le monde institutionnel, le monde des indépendants et le monde associatif. J'ai autant fréquenté les associations de quartiers, impliquées dans les réalités de terrain, que le Bruxelles plus bourgeois. J'ai passé énormément de temps à travailler dans le secteur de la lutte contre les discriminations. Je vis avec la question des signes ostensibles et visibles depuis plus de vingt ans et je suis passé par plusieurs positions sur le sujet. En discutant avec les femmes qui le portent pour des raisons très différentes, concernant le voile islamique, j'ai remarqué que ces raisons pouvaient varier de la foi religieuse intime à la revendication politique assumée, en passant par la pression sociale.

D'abord, réaffirmons-le: oui, la liberté de culte, de religion et de conviction est la base, en ce compris l'expression d'idées politiques ou religieuses qui peuvent inquiéter ou déranger certains. Cette liberté implique, contrairement à une opinion répandue, le droit de la manifester en public. La religion n'es pas un hobby. N'importe qui peut exprimer ses convictions politiques ou religieuses dans l'espace public. La liberté doit rester le principe de base. Cette liberté de religion et de conviction induit à la fois le droit de porter des signes religieux et le droit de les critiquer ouvertement.

Deuxièmement, toute liberté implique des limites. Ces limites peuvent être justifiées par des valeurs essentielles comme la sécurité, l'égalité ou le vivre-ensemble. En l'occurrence, le principe de neutralité que nous défendons ici vise à offrir un cadre où aucune conviction religieuse ou politique n'est visible et ne peut être prosélyte. Le port de signes convictionnels est en réalité permis presque partout, chers collègues: dans la rue et dans tout l'espace public, au travail, sauf si un règlement de travail en justifie l'interdiction, et dans les lieux privés.

Nous estimons que la société ne doit demander une abstention de tels signes que dans deux lieux où la neutralité est nécessaire: les administrations publiques – pour les agents – et l'école obligatoire.

Les partisans des signes convictionnels dans l'administration invitent à séparer la neutralité des apparences de la neutralité des actes. C'est se méprendre justement sur ce que doit être la neutralité. Si elle doit être apparente, c'est pour la même raison que la justice se doit d'être juste jusque dans les apparences, parce que tout signe est prosélyte par lui-même et que délier les apparences offertes des actes mêmes revient à faire comme si signifiant et signifié étaient séparés de manière étanche. Si le droit de porter des signes religieux ou convictionnels est absolu chez soi ou dans l'espace public, il s'efface devant l'obligation de neutralité des agents publics, qui est aussi une obligation d'apparence et qui vise à offrir à tous les citoyens non seulement un service, mais également une apparence de service dépourvue de toute référence convictionnelle.

En outre, chers collègues, et l'actualité le montre, le religieux n'est jamais loin du politique. Si un signe religieux est ressenti par quelqu'un comme à ce point important qu'il paraît impossible à un croyant de s'en séparer quelques heures – par exemple, pendant un travail dans une fonction d'ordre public –, c'est bien que ce signe est bien plus qu'un signe religieux et qu'il constitue un message identitaire, et donc politique. C'est une raison de plus pour en restreindre le port.

Je crois à la nécessité de faire progresser le vivre-ensemble, notamment à Bruxelles. Mon parti DéFI organise depuis des années la lutte contre les discriminations dans le monde du travail, en enregistrant de vrais résultats. Mes chers collègues, la neutralité traite toutes les convictions – religieuses ou non – à égalité et permet de garantir que certaines sphères restent préservées de tout prosélytisme religieux, politique ou philosophique. Céder sur un seul signe, c'est céder sur tous, d'autant que la Constitution met sur un pied d'égalité les signes convictionnels – religieux et politiques.

La récente enquête interne de la STIB, qui démontre qu'une frange majoritaire de travailleurs ne souhaite pas l'autorisation des signes convictionnels et qu'une majorité encore plus large demande, au contraire, une protection contre le prosélytisme prouve que, sur le terrain, les enjeux sont bien mieux perçus qu'au sein de certains lobbies.

Nous assistons clairement à une attaque sur plusieurs fronts, dans les communes et les services publics. Il est frappant qu'elle se déroule toujours par la bande et presque discrètement. Ainsi, c'est dans la discrétion la plus totale que, depuis des années, la neutralité inclusive devient la norme dans les administrations fédérales, en back office. Par exemple, la SNCB et FEDASIL incluent, et sans que grand monde s'en émeuve. C'est la raison de notre texte, qui entend restaurer la neutralité de l'État telle qu'elle existe depuis l'arrêté royal de 1937 et avant que, discrètement, détricotage après détricotage, des règlements ne la restreignent.

Bien sûr, les jeux habituels de majorité et d'opposition ont joué en commission contre notre texte, mais nous espérons que l'occasion sera saisie par les députés attachés à la neutralité de l'État et à la laïcité dans tous les partis pour prendre leurs responsabilités. Nous appelons tous les laïcs qui se trouvent ici – quel que soit leur parti – à se compter et à envoyer ce soir un signal fort en votant contre le rejet de notre texte et en montrant qu'un espoir existe: celui de voir l'universalisme des valeurs l'emporter sur les particularismes, le racisme et les replis identitaires qui, lentement mais sûrement, sont en train de ronger et de détruire les bases de notre vivre-ensemble. Je vous remercie de votre attention.